Retour sur « Nantes lit dans la rue » : les émotions à travers les albums jeunesse
« Nantes lit dans la rue » : Les émotions à travers les Albums Jeunesse, 14 et 15 décembre 2018
Devant l’écran, l’association « Grands yeux et grandes oreilles » avait recréé un cadre de lecture onirique.
Le matin :
- Ouverture par des membres du ministère de la Culture et Christine ROSSO
- Intermède avec la Sauvegarde du Nord
- Jeux et enjeux du livre avec les tout-petits par Olivier DOUZOU
- Joyeux anniversaires avec les associations qui fêtent leurs 10 ans, 15 ans, 20 ans et 30 ans d’existence.
L’ouverture est faite par une chargée de mission du Ministère de la Culture et un chef du bureau du même ministère. Les livres peuvent être des moments de fêtes et d’éblouissement pour les enfants. Nous défendons tous que les bébés aient accès aux mots et aux images dans ces moments de lecture partagée. René CHAR insiste sur la « transmission », l’échange de l’expérience artistique et littéraire. Madame LESOUS nous donne quelques chiffres. Un premier protocole a été signé en 1989 et le dernier remonte à 2017. Il y a en France 200000 associations culturelles. Le ministère travaille à une nouvelle feuille de route sur le partenariat entre l’État et les associations. Des groupes de travail font des préconisations. Madame PERRON, députée, est en charge des nouveaux textes sur la PMI (Protection Maternelle et Infantile). Il y a une attention toute particulière à l’égard des publics éloignés des bibliothèques.
« Ceux qui ont une forte résonance en nous. »
« Ceux qui réunissent un fond commun, qui nous procurent une certaine intranquillité, qui créent une rupture ».
« Ceux dont on ne se lasse pas de les lire et de les relire ».
Par exemple, « Sur les genoux de maman », « Jamais contents », « Canard », « Jo Jo la vache »,…
Entretien avec Olivier DOUZOU, et Katy FEINSTEIN, bibliothécaire
Le livre permet à l’enfant de se construire et de communiquer avec sa famille.
O. DOUZOU est auteur, scénariste, illustrateur, éditeur et directeur du rayon Jeunesse chez Rouergue. Sa formation initiale était architecte.
« Jo jo la vache » a 25 ans (1993) : la vache se décompose. Il est question entre autres de la séparation et du deuil. Il y a une connivence entre l’auteur et les enfants.
« Toujours rien » (1997) est un livre qui parle à tous. On y parle d’attente, de patience. Il y a une troisième narration et une surprise à la fin. C’est un livre à double lecture.
« Boucle d’or ». Ce livre existe parce qu’on dessine en même temps que j’imagine le texte. Le livre s’ouvre à l’espace des bras de l’enfant.
« Fourmi » existe aussi sur tablette numérique. Tout livre d’enfant est sécurisant parce qu’il y a un début et une fin.
« Pipeau » : jeux, surprises, travail sur les mots. L’auteur parle des constructions et des combinaisons.
Dans « Le canard « , l’auteur s’inspire de ses jouets d’enfant. Le rapport à l’échelle est important.
« Tu vas voir » a été demandé par le département de l’Ardèche. C’est un livre sur le futur qui parle des possibles. Il a été fait en coopération avec Frédérique BERTRAND ;
Le val de Marne a demandé « Rouge ». Un caillou cherche sa place dans un monde qu’il ne connait pas. Cela parle de l’appartenance au groupe, à la société.
Il a écrit également avec Vincent GODEAU « Avec quelques briques» et avec J. FISCHER « Animaux »
Lors des anniversaires, les associations fêtées nous ont présenté rapidement leur travail. J’ai retenu l’association « Grands yeux et grandes oreilles » représentées par deux art thérapeutes. Elles font le lien entre le livre et les arts plastiques/ « Les livres passerelles » accueillent des auteurs ou illustrateurs pendant quatre mois. Des associations sont intervenues dans une école maternelle et en prison. D’autres s’appuient sur des œuvres de peinture. A Compiègne, l’association « Combien je t’aime » intervient en maternité et en néonat. Elles ont créé un livre « Bienvenu au monde ». D’autres s’appuient sur le chant.
L’après-midi : « L’attention, la prise de notes et les observations dans le dispositif de lecture individualisée au sein du groupe » avec Coline JOUFLINEAU, doctorante en Esthétique, Arts et sciences de l’Art et formatrice, Corinne Nascimento, éducatrice de Jeunes enfants, lectrice et formatrice et Sylvie Jouflineau, fondatrice, lectrice et formatrice.
Coline JOUFLINEAU a comparé le trio « album-adulte-bébé » à la danse. C’est une chorégraphie régulière et prévisible, un fond qui est le même. Il y a des similitudes dans notre manière de lire et d’être auprès de l’enfant. Dans une danse de couple, les rôles sont codifiés. Dans la lecture, le rôle de l’adulte se rapproche de celui de la femme dans la danse. Elle s’accorde au danseur qui donne l’impulsion. Et l’enfant est dans le rôle de l’homme. C’est lui qui prend l’initiative. Il ne faut pas devancer pour s’accorder au rythme de l’enfant. L’enfant choisit la distance vis à vis de l’adulte. L’adulte ne vérifie pas les connaissances de l’enfant. Il ne cherche pas à savoir s’il a compris. Le lecteur comme le danseur inclut les autres dans l’environnement. Le lecteur se donne à voir dans cette activité de soutenir l’enfant par le regard. On met en avant tranquillement le texte. L’intérêt est que chacun puisse s’en emparer. C’est un moyen de rester à l’écoute, de faire de la place à son imagination. On est dans un processus de faire ensemble. L’expérience artistique, c’est de pouvoir s’attarder sur une page, de savoir s’étonner, de se laisser toucher. Ceci permet l’improvisation. Improviser, c’est faire en temps réel, s’arrêter à tout moment sans en prendre ombrage. Cela respecte l’enfant. Il faut inhiber nos tendances à réagir, à interpréter. Nous observons comment l’enfant rentre dans les albums, à son rythme.
L’attention
C’est une fonction cognitive (concentration) et sociale (plus éthique). Cela relève de la psychologie et de la philosophie. L’attention sous-tend la perception. C’est un processus dynamique. Paul Ricœur parle du « paradoxe de l’attention ». Il dit : « quand je fais attention, mon paysage change d’aspect, sans changer de sens ». Autrement dit, « c’est ce paradoxe qui constitue l’attention — l’attention fait apparaître quelque chose qui en un autre sens était là ». L’attention est une action qui accentue, choisit,… Elle est pluri-sensorielle. Le mouvement fixe souvent l’enfant dans son attention alors qu’être statique peut l’empêcher de porter attention. L’attention reste ouverte et flottante (à soi, à l’enfant et aux autres). L’attention conjointe n’est pas développée par manque de temps.
L’observation
Le premier carnet d’ACCES était consacré à l’observation. Annette WATILLON et Myriam RASSE ont également écrit sur ce sujet. Dans l’observation, le sujet est déterminé. Il y a un cadre. Dans l’observation-projet, l’objectif est de répondre aux questions posées par l’équipe. On se focalise sur quelque chose de précis. Dans les lectures, on ne sait pas ce qu’on veut observer. Il n’y a pas d’objet prédéterminé. L’observateur est partie prenante de la situation.
La prise de notes peut réduire la disponibilité à l’enfant. Néanmoins, elle est indispensable le plus vite possible après la séance de lecture. Elle consiste à noter les prénoms et les albums lus. Décrire les situations avec des formulations positives. Les notes sont retravaillées pour être partagées. Les intérêts sont individuels, relationnels, professionnels et scientifiques. Un regard croisé débouche sur une réflexion collective. Cela permet de faire émerger des hypothèses. L’observatoire existe depuis 18 ans. C’est un lieu de rencontres et d’échanges. Après la lecture des observations, on dégage ce qui se joue pour l’enfant. La psychologue relie les observations à des théories générales. JL NANCY dit « Regarder, c’est garder deux fois ».
Intervention de Myriam RASSE
Dans l’individualisation de la lecture, l’adulte se met en retrait ce qui va à l’encontre de certaines pratiques éducatives. Si l’enfant est respecté, il s’ouvrira aux autres. Le cadre contenant, très défini lui permet d’être acteur. La lecture proposée est un « soin développemental ». Il y a un aller-retour entre la théorie et la pratique. Le processus du récit aide la prise de notes mais il faut un entrainement. La DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) a soutenu l’observatoire du Nord. Ce travail sur l’observation peut entrainer un changement de pratique. Il se passe toujours quelque chose. Nous changeons notre regard. On ne vient pas que pour lire.
Le 19/01/2019, il y aura la troisième édition de « la nuit de la lecture », l’équivalent de « partir en livre » durant l’hiver